15 février 2022

Le nouvel horizon de la transformation digitale – Jean Barrère, Pejman Gohari, Nouamane Cherkaoui

Par Patrick Chabannes

« Le dilemme de toute transformation est la capacité à mener de concert la double transformation du cœur de l’entreprise et l’exploration de nouveaux territoires d’opportunités. »

Ce maître-livre, cadeau de trois experts, propose des concepts parfois originaux et toujours intelligibles, et multiplie les cas pratiques de mise en situation et d’application tirés d’expériences réelles permettant à chacun, dirigeants, cadres, éditeurs, consultants, étudiants ou honnête homme d’appréhender la 4ème révolution industrielle. 

Les éditeurs logiciels sont les premiers concernés par la transformation digitale.
« Pas d’avenir sans transformation radicale » Cet appel des auteurs doit à mon sens être aussi considéré sérieusement par les sociétés de conseil, les éditeurs et les intégrateurs. Être au centre de la transformation par la donnée ne protègent pas de ses effets. Bien placés pour jouir des opportunités, les éditeurs de logiciels métier ou les consultants qui conçoivent le monde en termes de processus verront leurs certitudes bousculées par l’irruption de la donnée et de l’IA.

Un ouvrage en 3 parties à lire et faire lire

  • Partie I – Enjeux et pathologies des transformations Data-Driven (40 pages)
  • Partie II – Les neufs piliers des organisations data-driven (110 pages)
  • Partie III – La transformation en action (40 pages)

Partie I – Enjeux et pathologies des transformations Data-Driven

« Why Software Is Eating The World.” Mark Andreessen, fondateur de Netscape,The Wall Street journal, 20 Août 2011

En des termes à la fois connus et souvent ignorés, les auteurs posent les enjeux de l’urgence de la prise en compte de la 4ème révolution industrielle`. La révolution numérique qui, bon gré mal gré, bouleversera tous les business modèles, les métiers et les positions acquises. 

Puis, loin des poncifs, en faisant appel à des dizaines d’années de pratique opérationnelle, le trio nous offre une description des obstacles classiques et désespérants à la transformation : les barrières structurelles, organisationnelles et comportementales. Exemples….

  • Barrière structurelle : le Legacy qui use les budgets et les énergies. Les données, ce capital immatériel éparpillé en silos dans chaque SI métier et dans des fichier Excel.
  • Barrière organisationnelle : cloisonnement, discorde entre métier et IT, confusion entre finalité et objectifs, immobilisme et aversion au risque
    « Moi, Métier, exprimer besoin. Toi, IT, faire ce que je te demande. Toi avoir des questions, mais moi pas comprendre ton langage. Alors moi, trouver un consultant qui va parler ton langage mais qui vient de mon monde. Tu vas me livrer rapidement. Ce Moi Tarzan, toi Jane vous semble caricatural ? Si vous saviez ! »
  • Barrière comportementale : le primat de la communication. Dire que l’on se transforme n’est pas se transformer. Primat de la technologie, du court-terme, de la réussite.
    « D’autres (entreprises) sous-estiment le risque car elles sont focalisées sur leurs propres clients, et ne voient pas les élargissements possibles du marché. Dès lors elles n’investissent pas dans des innovations qu’elles jugent inadaptées aux besoins de leurs propres clients. »

Partie II – Les neufs piliers des organisations data-driven

Les neufs piliers choisis par les co-auteurs sont la Culture, les Makers, les Talents, la Stratégie, le Client, la Data, la Décision, la Technologie et la Vélocité. Si certains de ces piliers peuvent paraître lacunaires, soyez certains que dès que le sujet est la data, l’information offerte est pertinente et opérante.

  • De la culture de la donnée
    « Une culture data first ne dépend donc pas de la nomination d’un Chief Data Officer (CDO) dans l’organisation, mais des principes d’or que l’organisation attachera aux données. Les conditions préalables à l’établissement d’une culture axée sur les données sont : la gouvernance de l’utilisation et de la qualité des données, l’accès aux données, des connaissances méthodologiques sur la façon d’analyser les données, des technologies appropriées pour préparer et analyser les données et, enfin, que les données ne soient pas considérées comme une fin en soi, mais mises au service d’une finalité (client, innovation, décision)
  • La data et les talents
    “Sur le plan technique, une entreprise qui réussit sa transformation digitale est une entreprise qui se dote de tous les profils nécessaires à cette transformation. Cela passe à la montée en compétences en interne mais aussi par le recrutement de nouveaux profils : Data Analyst, Data Scientist, Data Architect, Data Engineer, Data Manager, Data Steward.
  • Le capital Data
    « Nos données sont la troisième ressource rare du Groupe, au même titre que le capital et la liquidité. » Frédéric Oudéa, président Société Générale, discours auprès des actionnaires, Janvier 2021.
    « Cet actif immatériel s’altère et perd de sa valeur s’il n’est pas structuré, agrégé et maintenu. »
  • Les prises de décision éclairées par la data et par l’IA
    Les auteurs identifient quatre types de configuration selon le degré d’interaction humain – machine : l’intelligence assistée, automatisée, augmentée et autonome.
    L’intérêt du chapitre est la description des biais des algorithmes ou des humains.
  • Technologie : Un système d’information exponentiel
    « Une plateforme unique et partagée qui est comme une colonne vertébrale des capacités digitales de l’entreprise en termes d’intégration et de maîtrise. Ce système d’information est construit pour faciliter l’intégration et l’utilisation du flot continu de technologies et de données. » 
    Le concept de système exponentiel a été popularisé par Salim Ismaïl pour les organisations et par Yves Caseau sur son blog pour les systèmes d’information. Il gagnera à être implémenté par les éditeurs comme par leurs clients.
    Et ce système exponentiel est un système réactif tel que défini par le Reactive Manifesto
    « Today applications are deployed on everything from mobile devices to cloud-based clusters running thousands of multi-core processors. Users expect millisecond response times and 100% uptime. Data is measured in Petabytes. Today’s demands are simply not met by yesterday’s software architectures. »
  • La vélocité de la transformation
    LA vélocité, essayer, vite….Test & Learn 
    En terme IT, les auteurs conseillent une organisation en micro-usines logicielles soutenues par le DevOps. Bref être capable in fine de remplacer les mises à jour pénibles et couteuses par des mises à jour en continu de composants, de service. De même cette suggestion a été entendue par une petite minorité des éditeurs de logiciel métier.

Partie III – La transformation en action

« Le dilemme de toute transformation est la capacité à mener de concert la double transformation du cœur de l’entreprise et l’exploration de nouveaux territoires d’opportunités. »
40 pages de conseils pratiques, de partages d’expériences, de proposition de priorisation ou d’organisation. 

Conclusion de cet ouvrage de référence

Un livre pour les dirigeants, les cadres d’entreprise, les étudiants qui pensent à leur avenir, les éditeurs coincés entre legacy et futur, les développeurs qui doivent tenter de comprendre les métiers et les métiers de tenter de comprendre que la donnée change leur monde, les sociétés de conseil qui sont tout autant challengées par ces transformations…

« C’est que la transformation digitale, en tant que digitale, engage quelque chose de tout à fait nouveau : l’absence d’un état final a priori, d’un horizon défini. Sortir de la caverne, c’est avant tout accepter qu’il n’y ait pas d’issue donnée à l’avance. Elle émergera a posteriori : le futur se présentifie dans l’action, dans le faire, l’essai, le recommencement, l’apprentissage, l’expérience, l’agilité. C’est à soi, à nous, à vous, de creuser ce passage. Votre transformation digitale sera le fruit d’un agir du collectif ou ne sera pas. »

Rappel de Bernanos sur l’homme, la technique et le progrès
« Le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. » Georges Bernanos, La France contre les robots (1946), in Essais et écrits de combats, édition de Michel Estève, Gallimard, La Pléiade 1995 

Les auteurs

  • Un maître, Jean Barrère, Partner chez Accuracy depuis Janvier 2022. Il fit le bonheur des clients de PWC pendant plus de 10 ans.
  • Pejman Gohari, Chief Data & Analytics Officer chez Bpifrance depuis 2018. Il développa ses compétences pendant 15 ans à la Société Générale en charge notamment du Datalab.
  • Nouamane Cherkaoui, Head of Core Banking B2C IT Solutions at IT-CE (Goupe BPCE) ; ex-DSI de la SocGen et CTO de la Banque Postale 

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Lectori salutem, Patrick