20 mars 2023

Le Digital Achat, un atout-clé pour faire face au contexte volatil et incertain de cette rentrée : pourquoi, comment, et avec quelles limites ? 3 sur 4

Par Patrick Chabannes

Qu’ont révélé les crises pour les Achats et le digital Achats ? 

Une conférence sur le thème du Digital Achats avec Raphaël Belliière-Lottier (MEOTEC/ADRA), Audrey Guéry (UNITE), Jean-David Faure (COUPA) et Aurélien Veillet (PURCHASING PARTNER) représentant le monde des Achats, du Conseil, des SI Achats et des Places de Marché.

Retrouvez les 4 parties

  1. Introduction et présentation des invités
  2. Les tendances des systèmes d’information achats
  3. Qu’ont révélé les crises pour les Achats et le digital Achats ?
  4. Comment le Digital Achats peut répondre dans le cadre des challenges RSE et carbone ?
Qu’ont révélé les crises pour les Achats et le Digital Achats ?

Patrick Chabannes : Raphaël. En un mot, quels impacts ont eu les crises sur les organisations Achats, et donc, par induction, sur les SI Achats ? 

Raphaël Bellière-Lottier :  En un mot, ça va être un peu compliqué, mais je vais prendre plusieurs mots si tu veux bien (rires). 
La crise a mis en exergue la faiblesse des Supply Chain de nos organisations. Nous nous sommes bien rendu compte aujourd’hui que nous ne maitrisions pas les fournisseurs de rang deux et au-delà et quelque part, c’est plutôt c’est normal. Aujourd’hui, nous devons nous améliorer sur cette gestion des fournisseurs et la vision globale de la chaîne d’approvisionnement. 
Le deuxième point, on l’a dit tout à l’heure, c’est l’accélération de la digitalisation. Nous nous sommes rendu compte que nos processus n’étaient pas du tout, en tout cas pour certains, adaptés à une crise comme celle-ci. 
Le troisième point, qui est extrêmement important et on l’a dit tout à l’heure, nous avons trop tendance à nous focaliser sur la gestion des risques et sur le pilotage de la relation. C’est un élément important. C’est une base car il faut bien évidemment suivre et piloter. 
Mais ce qui est important, c’est aussi le développement de la relation fournisseur. Et ça, c’est clé ! C’est aussi un enseignement de cette crise. Les fournisseurs, eux, ont sélectionné leurs clients. Le pouvoir a changé de mains. Ça va dans le bon sens. Le rééquilibrage de certaines relations nécessite d’apprendre à développer la relation. D’où l’importance de ce que disait Aurélien sur la partie SRM (Supplier Relationship Management). 

  • Suivre mes engagements contractuels avec des solutions de pilotage et d’implémentation des contrats. Négocier un contrat c’est bien, le suivre et le piloter, c’est mieux. 
  • Et développer la relation avec les fournisseurs stratégiques.

Sur les Achats de classe C, bien évidemment, l’objectif, c’est d’y passer le moins de temps possible et d’apporter du service aux utilisateurs en leur permettant par le biais d’une délégation avec contrôle de travailler en autonomie.

Voilà en gros les enseignements de la crise d’aujourd’hui. Ce sont les axes sur lesquels toutes les Directions Achats ont travaillé et travaillent encore d’arrache-pied. Elles ont beaucoup souffert pendant la crise. Elles ont travaillé sur des PRA (Plan de reprise d’activité). Elles ont travaillé sur de l’approvisionnement, et c’était important. 

Aujourd’hui, cette crise pour moi est un élément qui a permis de repositionner certaines relations Client – Fournisseur. Ce qui va dans le bon sens car cela fait un lien très fort avec la partie Achats Responsables.

Patrick :  Aurélien, de votre côté, comment voyez-vous les enseignements tirés de cette crise et son impact sur le Digital Achats ?

Aurélien Veillet :  D’abord, je partage absolument le point de vue de Raphaël que je complèterais sur les apports multiples du digital. Nous évoquions la donnée, la relation fournisseur et la rapidité d’accès à l’information structurée issue des données en interne de l’entreprise, des multiples ERP, des relations avec les fournisseurs mais aussi en externes auprès de fournisseurs de données. 
Ces SRM (Supplier Relationship Management) permettent alors une exploitation plus directe de l’information à la condition d’une confiance dans la donnée à disposition ; autorise aussi une connaissance plus précise de son panel fournisseurs et de son exposition au risque. Voilà les points clés sur lesquels nous avons constaté une forte accélération ces derniers mois : connaître son panel et son exposition au risque pour être en mesure d’anticiper et de réagir, mettre en place de processus de qualification des fournisseurs avec une approche famille, voire sectorielle. Des éléments vraiment clés !

Et tout cela pourquoi ? Pour accélérer et favoriser la prise de décision en exploitant les données. Car le digital soit fournir les informations contextualisées à l’acheteur, maître de la décision, de son action.

Patrick :  Audrey, est-ce que vous avez constaté des évolutions dans le comportement ou les demandes de vos prospects ou clients dans votre marché de la MarketPlace ou Places de Marché ? 

Audrey Guéry : Le propre de la Place de Marché B2B est de réduire les risques et de sécuriser les approvisionnements. Car sur une Place de Marché, vous avez une multitude de choix, une multitude de fournisseurs vont proposer des produits avec une autorégulation des prix en fonction de l’offre et de la demande renforcée par des utilisateurs informés de manière transparente et dynamique : les prix, sur les produits, les stocks, les délais de livraison. De plus la Place de Marché fera gagner du temps aux utilisateurs dans leur sélection de produits et de fournisseurs ainsi que dans le cadre du suivi des achats indirects en permettant au service client de piloter et de suivre les litiges. 

Et on remarque une autre tendance aussi, c’est un besoin d’ajustement des prix plus dynamique. Les contrats cadres ne fonctionnent plus comme avant. Avant, les Directions Achats négociaient un contrat cadre sur un an voire plusieurs années. Aujourd’hui, en fonction du type d’achats, directs ou indirects, les prix négociés peuvent n’être valables que pendant quelques semaines ou quelques mois. Il est donc important d’avoir des prix plus dynamiques. Et en ce sens, la Place de Marché permet ce dynamisme avec des prix publics qui s’autorégulent en fonction de l’offre et de la demande en sus des contrats négociés par nos clients.

Patrick :  Jean-David, j’entends Raphaël mettre en avant la relation fournisseur et leur nécessaire participation à la digitalisation. Nos outils pourraient-ils participer à la création de communautés, au-delà de l’entreprise elle-même, avec les fournisseurs ou les acheteurs, pour progresser tous ensemble ?

Jean-David Faure :  Alors, clairement oui ! Beaucoup d’éditeurs y compris COUPA mettent particulièrement l’accent là-dessus. Pour COUPA il y a trois communautés : 

  • La première communauté, c’est la communauté de partenaires pour proposer une offre étendue à nos Clients en se concentrant sur notre cœur de métier. 
  • Le deuxième type de communauté sur lequel nous travaillons beaucoup est la communauté client. En tant qu’éditeur SaaS nous avons une position assez privilégiée pour résoudre en partie le problème de données issues de plusieurs systèmes adressé par Raphaël. Le fait d’avoir une Plateforme SaaS multi-tenant capable de couvrir un panel assez large de d’applications métier nous permet d’avoir un volume consolidé de données de dépenses, 3 000 milliards de $ tout de même, et de processus issus de l’activité de nos Clients. 
    • Cela permet de créer des KPI’s de Benchmark à destination de la Fonction Achats pour déterminer des axes de progrès. 
    • Nous mettons à disposition des Forums pour échanger sur des expériences comme les modes de contractualisation sur certaines catégories achats. 
  • La troisième, la communauté fournisseurs. Tous les fournisseurs sont connectés à notre application permettant d’obtenir des informations consolidées et anonymisées : qui commande chez eux, les volumes, leur activité, et cetera. Cela nous permet notamment de proposer à nos clients des fournisseurs qui pourraient être adaptés à leurs besoins et quels sont les fournisseurs tenant la route en termes de critères RSE. 

Donc, effectivement les communautés existent déjà et se développent

Patrick :  Aurélien et Raphaël, il me semble que ce moment de crise a mis en lumière la faiblesse digitale des Comptabilités Fournisseurs passées en télétravail faisant passer le sujet eFacturation ou Invoice-to-Pay avant le Procure-to-Pau ou le Source-to-Pay.

Aurélien Veillet :  Question pertinente, réponse délicate. Néanmoins, nous avons constaté que pleinement conscient des impacts sur la trésorerie de leurs fournisseurs, les entreprises ont maintenu les délais de paiement, voire les ont accéléré malgré les difficultés opérationnelles. 
Je souligne les initiatives menées par des grands acteurs, notamment dans le secteur public pour assurer le paiement en temps et en heure, voir même en amont, pour que leurs fournisseurs, leur écosystème soient toujours là après la crise. 
Devenir le client préféré de ses fournisseurs, une notion clairement apparue à l’occasion de cette crise comme un changement de paradigme.

Patrick : Raphaël, Aurélien reprend ce que vous disiez tout à l’heure sur le positionnement client – fournisseur. La Compta Fournisseur n’est-elle pas devenue une part essentielle de la relation avec le Fournisseur ?

Raphaël Bellière-Lottier :  Plusieurs points. Le médiateur de l’État tient un indicateur sur les délais de paiement. Post Covid nous sommes passés de seize jours à treize jours de retard. Une évolution de trois jours n’est pas neutre globalement. On avance sur ce point-là lié à la crise COVID et aux démarches Achats Responsables. En effet payer son fournisseur dans les délais est un des premiers critères dans une démarche Achats Responsables
Ensuite, la Fonction Finance définit les règles de paiement et la Fonction Achats va les appliquer dans le cadre contractuel et relationnel qu’elle aura défini avec ses fournisseurs. Donc j’ai envie de dire oui, il a fallu faire un certain nombre de choses durant cette crise, ça a eu des effets positifs et il faut encore aller plus loin. 

Mais pour répondre à votre question, Patrick : Payer son fournisseur, passer une commande et payer son fournisseur. C’est la base et son application dépend là encore du niveau de maturité. Des entreprises en retard sur le sujet ont accéléré sur le sujet. Et j’ai constaté que d’autres vont beaucoup plus loin que ça. Pendant la crise, j’ai vu des clients payer des commandes sans avoir été livrés pour s’assurer que leur fournisseur puisse répondre présent à T0 au moment du redémarrage. Et ça, quand c’était possible, c’était important. 

Et il y a un autre point que vous n’avez pas adressé, Patrick. Il faut parler de la notion de performance. Nous avons parlé de solutions, de gagner du temps, et cetera. Les Directions Achats avant COVID étaient déjà extrêmement sensibilisées sur la notion de performance. Elles le sont encore plus post-COVID, et encore plus aujourd’hui.
La notion de performance se distingue entre la performance économique et la performance opérationnelle. Les solutions digitales permettent d’améliorer la performance opérationnelle d’une Fonction Achats. C’est important, surtout quand on parle de tension sur les recrutements. Aujourd’hui, on sait que le marché du recrutement des acheteurs est en tension, qu’on a du mal à recruter. Même si une solution digitale n’est pas, si déjà elle peut adresser un certain nombre d’actes automatiques pour permettre aux Acheteurs de monter dans la chaîne de valeur de la fonction achats, le bénéfice sera important pour le quotidien de l’Acheteur.
Un Directeur Achat, quand il s’inscrit dans une démarche de digitalisation, pense d’abord à la performance parce qu’il est contraint sur son budget et parce qu’il doit apporter de la valeur à ses équipes via des solutions digitale. D’où l’intérêt d’avoir une vraie stratégie de digitalisation.

Patrick :   Comme le disait Aurélien tout à l’heure, il faut avoir une stratégie, une roadmap digitale. Jean-David, vous nous disiez que le Source to Pay, de la gestion de projet achat à la eFacturation, s’étendait sur la Supply chain, le paiement, la gestion de trésorerie. Sont-ce des tendances lourdes ?

Jean-David : Alors oui, ça l’est typiquement. Juste pour donner un exemple, en ce moment, nous avons beaucoup de demandes de Cash Management, donc de la visibilité sur le cash. Parce que, comme le disait Raphaël tout à l’heure, le but est de payer le fournisseur, c’est vraiment la base. Mais en plus nous avons des fonctionnalités qui étaient déployées aux États-Unis depuis plus de trois ans alors qu’en Europe, tout le monde me disait : « Mais jamais on ce truc là, ça ne sert à rien ».
Et bien maintenant, ce Early Payement Discount, rendu possible grâce à la connaissance de la situation du statut de la facture et de sa trésorerie, permet de renforcer la relation avec le fournisseur : « j’ai du cash, le Fournisseur n’en a pas. Arrangeons-nous, je peux te payer un petit peu plus tôt si tu me fais un discount sur la facture ».
C’est la même chose pour la partie Supply Chain. Avant le risque Fournisseur était géré sur la composante engagement de dépenses. Maintenant cette notion de risque est remontée au niveau Supply Chain avec la nécessité d’avoir de la visibilité sur les Fournisseurs de rang 2. La disponibilité des informations dans une Plateforme intégrées offre de la visibilité plus globale.

Patrick :  Audrey, les Places de Marché proposent-elles des services de règlements pour payer les fournisseurs dans les temps ?

Audrey : Tout à fait ! Nous avons un modèle de créditeur unique. En plus UNITE propose, grâce à une mutualisation du risque, de supporter le risque de défaut d’un client ou d’un retard de paiement en réglant le Fournisseur à 30 jours.

Patrick : Nous allons passer à la troisième partie sur les enjeux bien connus et aussi mal connus le RSA, le carbone, tous ces types de risques là avec les solutions achats

Cette Conférence – Live du 28 Septembre 2022 s’est déroulée dans le cadre de Solutions eAchats  des 11 et 12 octobre à Paris porte de Versailles et été diffusée sur la WEBTV du Salon : https://www.e-solutions.tv