Le Digital Achat, un atout-clé pour faire face au contexte volatil et incertain de cette rentrée : pourquoi, comment, et avec quelles limites ? 4 sur 4
Comment le Digital Achats peut répondre aux challenges RSE et carbone ? (20’)
Une conférence sur le thème du Digital Achats avec Raphaël Belliière-Lottier (MEOTEC/ADRA), Audrey Guéry (UNITE), Jean-David Faure (COUPA) et Aurélien Veillet (PURCHASING PARTNER) représentant le monde des Achats, du Conseil, des SI Achats et des Places de Marché.
Retrouvez les 4 parties
- Introduction et présentation des invités
- Les tendances des systèmes d’information achats
- Qu’ont révélé les crises pour les Achats et le digital Achats ?
- Comment le Digital Achats peut répondre dans le cadre des challenges RSE et carbone ?
Patrick Chabannes : Jean-David, pourriez-vous ouvrir le débat en offrant, grâce à vos fonctions, un regard international sur la question de la RSE en Allemagne, aux USA ?
Jean-David Faure : Avant de passer sur les enjeux et les aspects internationaux, laissez-moi préciser que les logiciels SI Achats n’ont pas de modules RSE ou ESG permettant de couvrir tous les aspects d’un sujet élargi à plusieurs composantes.
Il y a une composante Supply Chain avec les calculs de l’empreinte carbone, une composante Risques Fournisseurs avec les certificats et labels et un composante engagement de dépenses permettant à l’utilisateur final engageant la dépense de s’assurer que le fournisseur ou le produit sont alignés avec ses convictions sur le développement durable. Sans oublier la composante Reporting avec les formats particuliers demandés dans certains pays, pas encore en France, mais ça arrive. Donc il n’y a pas vraiment de module dédié RSE/ESG, Carbone mais un impact sur toute la Supply Chain étendue des Achats à la Finance en passant par la Supply Chain.
Sur l’aspect international, en Europe, nous avons des Directives censées arriver et sans cesse repoussées. Certains pays, comme l’Allemagne, ont déjà anticipé ces directives européennes permettant à des éditeurs comme Coupa d’adapter un certain nombre de nos modules métier pour s’aligner sur le besoin allemand tout simplement. Par exemple sur la partie Risques Fournisseurs, les Allemands ont leur fameux Supply Chain Act. Déjà 47% de nos clients Outre-Rhin ont intégré tout ou partie de ces fonctionnalités. D’autres attendent de voir ou n’ont pas encore forcément le temps ou le budget pour le faire parce qu’on sort d’une crise. Tout le monde va devoir y aller que ce soit par conviction ou par obligation. Certains marchés sont, pour des raisons d’images ou autres, plus matures que d’autres. En Allemagne des pénalités en pourcentage du chiffre d’affaires sont appliquées en cas de non suivi de ce type de règles.
Donc côté logiciel, la RSE/ESG et Carbone n’est pas une offre nouvelle. Il s’agit d’une adaptation des modules métiers existants à ces nouveaux critères plutôt que de la création d’un module dédié à ce genre de préoccupations.
Patrick : C’est là où on va retrouver la question de la maturité dont parlait Raphaël. Audrey, comment les Places de Marché répondent-elles à ce type de problématiques conformité RSE ?
Audrey Guéry : La RSE/ESG s’inscrit dans notre démarche et dans la roadmap de notre groupe depuis plusieurs années. UNITE en a fait un slogan : Connecter les entreprises pour une économie durable. Nous avons un Pôle RSE qui travaille sur ces sujets depuis plusieurs années et nous sommes labellisés ECOVADIS Silver, dans le Top 7% dans son secteur d’activité.
Plus concrètement d’un point de vue responsabilité sociétale, en France, nous ne travaillons qu’avec des Fournisseurs français ou établis en France et nous signons un code de conduite et un contrat avec 100 % de ses fournisseurs.
La Place de Marché dispose de filtres permettant de n’afficher que les produits dotés de labels RSE. De plus nous transmettons aux Clients qui le souhaitent les données sur le nombre de produits labellisés achetés.
La digitalisation des factures, qui devrait être obligatoire dans les prochaines années, permet aussi de réduire la consommation de papier et donc d’encres et autres consommables.
D’un point de vue transport, chez UNITE, nous n’avons pas d’entrepôt. Cela réduit aussi le nombre de livraisons et l’impact environnemental. Après, c’est vrai qu’aujourd’hui nous avons encore du travail à faire et c’est pour ça que nous avons des équipes qui travaillent sur ces sujets. Et nous sommes en recherche de solutions actuellement pour afficher l’impact l’empreinte carbone sur les produits sur la Place de Marché.
Patrick : Aurélien, et de votre côté ? On a la démarche RSE d’un côté et du Digital Achat de l’autre, est-ce compatible ? Comme le disait tout à l’heure Jean-David, ce n’est pas un module !
Aurélien Veillet : J’adore cette question. Elle amène une réflexion plus en profondeur. Certes, il n’y a pas de module dédié RSE dans les solutions, mais il est indéniable aujourd’hui que les solutions SI Achats permettent de récupérer et d’exploiter ces données par exemple via des questionnaires dématérialisés envoyés aux fournisseurs pour collecter ces données et les exploiter. Les progiciels du marché le permettent mais aussi des solutions plus légères parmi les outils d’aide au sourcing pour identifier les acteurs du territoire ou relevant de l’ESS et l’insertion par l’emploi, ou encore pour récupérer la note ECOVADIS, une nouvelle licorne française soit dit en passant.
Je pose la question aux éditeurs ! Les solutions digitales sont-elles numériquement responsables ? Certes, on peut contribuer à la démarche à RSE et Achats Responsables de l’Entreprise grâce aux Solutions SI Achats. Mais je pense que les éditeurs pourraient aussi agir à leur niveau potentiellement, d’autant plus qu’on voit l’impact du numérique dans notre monde actuellement.
Patrick : Et une question au débotté, cher Raphaël. Labels, démarche, Chartes. Est-ce qu’une Direction des Achats ou une Direction d’Entreprise peut se satisfaire d’avoir une note ECOVADIS ou un Label ?
Raphaël Bellière-Lottier : Merci Patrick pour cette question. La note ECOVADIS est un des critères d’évaluation de la politique achat de l’entreprise, mais au même titre que la certification ISO 20 400, au même titre que le label RFAR, au même titre que B corp, et cetera. La Fonction Achats et la démarche achats responsable est intégrée et évaluée dans une démarche de certification jusqu’au document extra-financier de l’entreprise dans lequel, bien évidemment sont intégrés différents éléments.
Peut-être pour répondre à cette question, je pense qu’aujourd’hui on accélère tous enfin sur la question de l’environnement et c’est bien normal. Il est dans toutes les bouches, dans toutes les actions, dans toutes les entreprises. Ce n’est pas simple pour l’acheteur de décliner une politique achats responsables sur chacune des familles. Parce que, je le rappelle, quand on parle des RSE, on parle d’environnement mais aussi de social et que, derrière, on a un écosystème. J’en reviens toujours là, un écosystème de fournisseurs qui doit être adapté en fonction des différentes typologies d’achat. Quand vous achetez de l’énergie, du transport, des matières premières, de l’IT, du market-com par exemple, ce ne sont pas les mêmes écosystèmes et donc les mêmes niveaux de maturité.
Patrick : J’en conviens mais je trouve qu’il y a un contraste entre les investissements en recherche économique, en compétition, en intelligence quand il s’agit de vendre et quand il s’agit des Achats, j’ai l’impression qu’il faut qu’on se débrouille avec nos deux mains.
Raphaël : Le sujet, c’est l’entreprise, elle vend, elle produit et donc elle achète. Dire que votre produit est écoresponsable, c’est un argument commercial. Les Achats sont là pour que ça passe dans les faits, au travers de la Production.
Et je rejoins ce que disait Aurélien au passage sur la démarche green IT des éditeurs. Ça c’est extrêmement important parce que quand on dit : « on fait moins de papier ». J’aimerais quand même qu’on regarde derrière la façade, que l’on compare le moins de papier par rapport au coût des data center, des réseaux et de la gestion de la data. Donc je pense qu’il y a un travail à faire plus globalement sur la digitalisation et c’est important de partager ce message.
Les fonctions achats aujourd’hui sont de plus en plus investies sur ces sujets RSE, il faut noter qu’il s’agit d’une démarche plus globale. La conduite du changement sera : comment mes clients internes accepteront de changer le choix du fournisseur, d’intégrer des critères RSE et d’en faire un vrai critère de décision.
Jean-David : Je suis complètement d’accord avec vous. Et même la façon dont nous, éditeurs, vendons nos outils se modifie. Nous ne devons pas être en train de vendre une implémentation d’un énième outil dans une société, mais nous vendons un projet de transformation dont l’implémentation sera partie du projet de transformation.
Une fois de plus, si on a un processus, comme le disait Aurélien tout à l’heure, si on a un processus qui est bancal, ce n’est pas parce qu’on va le gérer via un outil qu’il va devenir moins bancal. Et si on ne change rien, le résultat final va être relativement le même avec des économies marginales sur des cycles d’approbations. Mais en vrai, ce n’est pas là que se trouvent les vrais gains.
Donc ce que nous disons à nos clients : Ne nous mettez pas dans la partie implémentation, ne nous mettez pas des gens qui savent comment marche votre boite. Mettez-nous avec des gens qui savent comment vous avez envie que ça marche dans deux ou trois ans.
Et projetez-vous ? Parce que sinon, c’est que comme le disent très bien nos amis anglo-saxons, garbage in, garbage out. Vous n’aurez les résultats escomptés. Ça c’est le premier point.
Et le deuxième point c’est, je vais insister aussi, une approche par la valeur. C’est à dire que le but n’est pas juste d’implémenter un outil mais est d’en tirer de la valeur. Et côté achat, on n’investit pas assez dans de la recherche de solutions métier Achats. Nos clients cherchent de la valeur et du ROI.
Cette approche par la valeur est très importante parce que, au lieu d’avoir des KPI’s projets qui sont juste des : « je suis mon planning, je regarde si je suis ou non à l’heure, mon projet est bien géré car il est délivré en temps et en heure ».
Mais un projet sans utilisateurs, ça ne vaut rien. Un projet sans Fournisseurs, ça ne vaut rien. Et un projet sur lequel n’existent pas de KPI’s de succès identifiés au départ, des KPI’s mis en œuvre en cours de projet ou des KPI’s définis en post-projet, est un projet en danger.
Raphaël : Le premier point quand vous travaillez sur les Achats Responsables, c’est de travailler sur l’analyse de risque. Et en effet, comme le dit Jean-David, une solution Source to Pay collecte et concatène un certain nombre de datas qui permettent d’aider à la définition de l’analyse de risque. Ça, c’est un élément important et je pense que les éditeurs travaillent sur ces sujets et Jean-David en a parlé.
Je le rejoins sur l’Allemagne qui est vraiment beaucoup plus en avance que nous dans un environnement législatif beaucoup plus contraignant, ce qui aide à pousser sur ces sujets-là. Et la data, j’en reviens à ce sujet, la data est une brique importante de la gestion de risque et du pilotage de la relation fournisseur, tous deux éléments clés pour la mise en œuvre des Achats Responsables.
En parallèle, je voudrais quand même mettre en avant la démarche de l’État qui lance un plan national des Achats Durables en intégrant dans tous ses marchés de façon prépondérante des critères environnementaux et sociaux. Cela va donc pousser les entreprises à accélérer, à avoir des capacités de reporting et de suivi.
Autre point sur la data, il y a des solutions pour faire le bilan carbone qui existent aujourd’hui sur le marché et elles se développent de plus en plus. C’est l’étape zéro aujourd’hui de faire un bilan carbone de son entreprise. Mais demain, l’élément clé sera la traçabilité de mon produit dans son entière composition.
Nous allons avoir besoin d’un schéma de suivi de la donnée qui va être de plus en plus important et qui va être nécessaire, surtout quand on parle de produits chimiques, agricoles et cetera. Et nous allons devoir intégrer tout ça dans une chaîne globale qui posera d’autres problèmes de responsabilité sur le fournisseur et le client.
Et un sujet est : à qui appartient la donnée ? Nous avons beaucoup parlé de données, mais il y a une donnée brute, il y a une donnée retraitée, il y a une donnée achetée, il y a une donnée en libre accès, et cetera.
Tous ces aspects sont à prendre en considération. Et il vaut mieux le faire avant qu’après parce que sinon vous devrez revoir complètement les solutions que vous avez mises en place.
Si on parle un peu d’intelligence artificielle, les notions de prédictibilité, d’anticipation et d’aide à la décision sont des priorités pour les acheteurs.
Donc un effet du COVID, il y en a eu quelques uns quand même, c’est que les Directions Achats se disent : « Je peux aller plus loin avec mes solutions. Je ne suis plus seulement dans la dématérialisation, mais je peux aller plus loin et certaines organisations très matures travaille là-dessus ».
Patrick : Merci beaucoup Raphaël. Nous avons déjà entamé la phase de questions réponses, chers auditeurs, puisqu’il y avait notamment une question sur la partie implémentation et Jean-David parfaitement traitée. Et puis il y avait des questions sur l’IA qui vient juste d’être adressée et les autres questions ont été traitées au fur et à mesure de l’audience.
Cette Conférence – Live du 28 Septembre 2022 s’est déroulée dans le cadre de Solutions eAchats des 11 et 12 octobre à Paris porte de Versailles et été diffusée sur la WEBTV du Salon :https://www.e-solutions.tv