11 mai 2023

Au revoir Monsieur Bernshteyn, quel Coupa demain ?

Par Patrick Chabannes

1er mai 2023, un coup de tonnerre gronde dans le petit monde des SI Achats, Monsieur Rob Bernshteyn, chairman et CEO, annonce son départ de Coupa quatre mois seulement après l’annonce du rachat de l’éditeur, leader mondial des solutions Source to Pay par Thoma Bravo. Comment ne pas se poser des questions alors qu’en Décembre 2022, Holden Spaht, Managing Partner de la société d’investissement annonçait fièrement “Nous sommes impatients de travailler avec Rob et le reste de l’équipe de direction pour continuer à investir dans la stratégie de produits de l’entreprise tout en stimulant la croissance tant organique que par le biais de fusions et acquisitions”.

La première question est : Pourquoi si vite et sans plan B

Depuis 2009, Rob Bernshteyn a construit une vision, a su s’entourer de personnes de qualité et le plus important a bâti au cours de ces quatorze années un esprit Coupa. Car, oui, il y a un esprit Coupa, un souffle qui fait l’unanimité parmi mes connaissances participant au succès de l’entreprise depuis de nombreuses années : liberté, travail et responsabilité.

Certes Rob n’allait pas rester plus d’un an ou deux mais une telle personnalité ne peut être remplacée au pied levé par un Thoma Bravo’s boy. Il aurait été nécessaire que soit présenté concomitamment un leader et une vision pour embarquer l’ensemble de la communauté clients, partenaires et collaborateurs. 

La deuxième question : Quel plan d’actions à court terme avec Thoma Bravo ?

Il n’est que de se promener sur internet pour constater que cet investisseur n’accompagne pas la croissance de ses acquisitions dans la Tech tant il semble acquis que son objectif est la maximisation du profit à réaliser par un exit à 3 à 5 ans. À mon sens, le départ précipité de Rob fragilise la situation en agitant le levier de la diminution de la masse salariale, outil classique et facilement justifiable dans une Tech de 2023 en mode réduction des coûts de fonctionnement depuis que l’argent magique a quelque peu disparu.

La troisième question : Quid du Coupa de demain : Achats, Finances ou Supply Chain ? 

La dernière vision partagée par Rob Bernshteyn lors de l’annonce de l’annonce de l’acquisition est « Accelerating our vision to digitally transform the Office of the CFO ». 

Depuis 2013, Coupa a acquis, à ma connaissance, 20 sociétés dans les domaines des voyages et notes de frais, des achats et des approvisionnements, de la finance et de la supply chain. Si la synergie du P2P avec les Travel & Expenses, Coupa Pay et de la gestion de la trésorerie (Bellin) est très claire et alignée avec la vision délivrée ci-dessus, l’investissement de 1,5 milliards de dollars dans la Supply Chain avec l’achat de Llamasoft et de ses 650 employés pose une question. Une question insistante quand l’on compare cet asset avec les 8 milliards posés sur la table par Thoma Bravo, l’on se prend à imaginer, à supputer que même avec une valorisation amputée d’un tiers….

La quatrième question : 8 milliards de dollars ?

En positionnant à 81$ l’action qui cotait 42$ en Novembre 2022, Thoma Bravo met sur la table 8 milliards de dollars soit plus de 12 fois le revenu des abonnements 2022 (CA $725M dont $634 d’abonnement). Si le chiffre est déjà élevé, le calcul du PER semble, lui, donner des vertiges à l’investisseur. La valeur de l’action est un retour à 2019 suivant en cela les évolutions générales de la Tech. 

La réponse à la question de la valorisation future tient

  • soit dans le plan stratégique de la société dans un marché en croissance appuyée par la vision métier exprimée par Rob :  accelerating our vision to digitally transform the Office of the CFO,
  • soit dans une recherche de valorisation financière avec diminution du poste RH, défaisance d’assets comme Llamasoft et une politique commerciale de croissance dans la continuité du remarquable +34% tant sur de nouveaux segments de marchés tels que les ETI que sur une maximisation des revenus chez les clients actuels.

Au final qu’en penser ?

Malgré des indices peu favorables, j’aime à penser, contre toute attente, que l’esprit COUPA subsistera au bénéfice de ses collaborateurs et de ses clients et que la société continuera à innover, certes pour la transformation digitale du bureau du CFO, mais aussi et surtout pour la Fonction Achats et la Supply Chain pour leur permettre de relever les défis de ce début de siècle marqué par le retour à un monde westphalien.

Lectori salutem, Patrick