7 mars 2014

Les logiciels eSourcing à l’épreuve du temps

Par Patrick Chabannes

Ambitieux et prudents, les logiciels d’e-sourcing adressent aux acheteurs opérationnels, aux responsables de catégorie, et au directeur des achats, des messages bien différents et autant de promesses de ROI. Et si la source des succès et des échecs du e-sourcing tenait à la confusion entretenue entre ces attentes, alliées pour décider, et opposées pour déployer ?

Paru dans la Lettre des Achats 225, Mars 2014

Quelle dose de vérité pouvons-nous supporter ?*    

Les logiciels eSourcing ont longtemps progressé au bénéfice des acheteurs opérationnels : fin de la pénible limitation du poids des documents attachés, suivi des réponses fournisseurs au fil de l’eau, promesse de collaboration avec les clients internes, analyses d’offres automatisées et simplification du reporting devaient apporter un gain de productivité personnel, calculé à hauteur de 15 % par toutes les études sérieuses.

Des limites ergonomiques et fonctionnelles 

Aujourd’hui, la construction des grilles de prix nécessite toujours une bonne maitrise  de l’outil logiciel. Certes, les demandes de prix récurrentes sont simplifiées, mais la gestion des structures de décomposition de prix et autres calculs de coût total (TCO) peine à convaincre. Les analyses de prix issues de trop rares grilles n’atteignent pas la souplesse et le détail des résultats obtenus à l’aide d’un tableur. Or, sans création de grilles, pas de données de cotation, et sans données, pas de processus continu non plus ! Le hiatus entre la vision managériale et l’outil de productivité personnel s’accroît.

Extension du processus Achat

En fait, le suivi de la performance économique et des leviers achats retient davantage l’attention du management achat et donc concentre les évolutions proposées par les éditeurs de leurs logiciels. Du même coup, les développements nécessaires à la productivité personnelle des acheteurs tardent. Les  directions achats poussent les éditeurs e-sourcing à développer de nouveaux modules : la gestion des fournisseurs, la gestion des contrats sans parler du e-procurement. Le processus achat s’étend de plus en plus. Dès lors, les projets d’e-sourcing se déploient auprès de tous les acheteurs, mais la gestion de stratégies achats par catégorie ou encore l’amélioration des fonctionnalités pour les utilisateurs voire tout simplement l’ergonomie générale de l’outil sont laissées sans amélioration depuis plusieurs années.

Outillage désordonné de nouvelles familles

Toutefois, le type d’achats traités par des opérationnels de plus en plus compétents tend aussi à augmenter. Ainsi, alors que les éditeurs généralistes négligent de proposer une verticalisation fonctionnelle pour les grandes familles des achats indirects, de nouvelles solutions apparaissent. Issues bien souvent de professionnels des achats ou du conseil, elles concernent notamment les familles de l’énergie, du transport, de la téléphonie, de l’interim, du marketing… Les achats directs ne sont pas oubliés. Des éditeurs de PLM, d’ERP voire là encore des éditeurs plus spécialisés proposent eux aussi des modules d’e-sourcing, sans besoin d’interfaces, capables de traiter efficacement la gestion de composants ou les variations des BOM (Bill of Material)

Récemment, le directeur des achats d’une société du CAC 40 me confiait qu’au terme d’une année d’utilisation d’un outil d’e-sourcing, sans en être mécontent, il était à la recherche d’une solution additionnelle pour les achats de transport. Ou encore un autre qui avait mis en place, en sus de son logiciel généraliste, une solution dédiée à la téléphonie.

La check list de l’eSourceur
Ne faudrait-il pas plus d’une solution e-sourcing à une équipe achat ? Dans ce cas, il y a cinq points clés à considérer pour choisir votre (vos) future(s) solution (s) : Tout d’abord, votre seul indicateur de performance (KPI) doit être le taux d’adoption. Pensez ensuite à des tableaux de bord pour le management de vos équipes comme des clients internes. Puis étudiez soigneusement les besoins de productivité personnelle des acheteurs. Après cela, mettez-vous à la place du client interne collaborant avec vos équipes. Et pour finir, voyez quelles fonctionnalités vous pourriez mettre à la disposition des gestionnaires de catégorie.

Faute de quoi, l’e-sourcing pourrait courir le risque de ne devenir plus qu’une solution de déclaration de la performance économique… Dès lors, son prix total ne deviendrait-il pas hors de proportion par rapport à sa valeur ajoutée ?

*Frédéric Nietzsche, Le Gai savoir, Premier Livre

Par Patrick Chabannes 
“À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.” G Orwell in 1984